Sauf que l’on veut toujours tout, tout de suite. Tout va si vite qu’on se demande pourquoi nous, nous n’arrivons pas à aller plus vite que ça. On se sent si vite dépassé par les évènements. Tout va trop vite. Résultat, on a plus de patience, on veut arriver à nos objectifs tout de suite, sans plus attendre. On piaffe, on s’impatiente, dès que quelque chose demande du temps, de la disponibilité et de la concentration. Cela ne nous semble pas normal de traîner ainsi en chemin.
Sauf que c’est petit à petit que l’oiseau fait son nid. Brindille par brindille, pas à pas, selon ses moyens et ce qu’il a à disposition pour le faire. Donc ça peut prendre du temps. C’est laborieux, pas fastidieux. Ça demande de l’engagement. Du sérieux, de la ténacité, de la patience.
Et savoir se satisfaire du chemin parcouru. Savoir se satisfaire de ce qui a été fait le jour même. Sans s’abîmer dans des considérations qui font mal. « Je n’ai pas fait ci, je n’ai pas fait ça. Je n’ai pas atteint mon objectif aujourd’hui, je n’ai pas rayé toutes les tâches sur ma liste à rallonge. »
C’est le principe de la liste de tâches, elle n’en finit jamais, elle se rallonge à l’infini. Et nous donne l’impression de ne pas avoir accompli le quart de ce qui était prévu. Elle nous donne l’impression de ne pas avancer d’être toujours la dernière roue du carrosse, largué, loin derrière le troupeau qui lui a déjà tout effectué.
Du moins, c’est l’impression que l’on en a. C’est toujours nous qui sommes à la traîne, en fin de peloton. C’est toujours nous qui n’avons pas réussi à aller au bout pour je ne sais quelle raison. Et pourtant.
Pourtant, on devrait se demander comment les autres sont arrivés au bout. Dans quel état ? Oui dans quel état errent-ils pour arriver au bout ? Au bout de quoi ? Qu’est-ce qu’ils ont accompli sur le chemin ? Quel est leur niveau de satisfaction ? Se sont-ils réalisés en chemin ? Ça on ne le sait pas, on n’est pas dans leur tête. Donc on s’accable de toutes ces choses que l’on n’a pas faites. Plutôt que de se dire que pas à pas on y arrivera. On ne sait pas quels sont les critères de satisfaction de chacun, le degré de perfection recherché et ce vers quoi chacun veut tendre. Tout ceci est très personnel et la situation s’apprécie au cas par cas.
On a tendance à s’oublier dans tout ça. A perdre de vue ce qui nous épanouit. A se morigéner de n’avoir pas fait tout ça, sans se demander si cela est utile à notre épanouissement personnel. Petit à petit, on se perd.
Petit à petit, on se retrouve. Cela prend du temps. Et Rome ne s’est pas construite en un jour. Donc il s’agit de prendre son temps. De s’arrêter, de s’écouter, de voir ce qui est important pour nous. Sans plus attendre. Déjà retrouver petit à petit le goût du temps perdu. Oublié ce temps que l’on dit perdu. Il n’y a pas de temps perdu, il y a du temps à ne rien faire, à prendre le temps de prendre le temps. Et petit à petit, faire sa trace sur son chemin. Pas le chemin des autres, mais SON chemin. Suivre sa propre voie, peu importe le temps qu’il faudra.
Petit à petit, à petits pas, selon son propre rythme. Ecoutez-vous. Ecoutez ce que votre cœur et votre âme ont à vous dire. Soyez indulgent, ne soyez pas trop gourmand. On peut voir grand, là n’est pas la question. Mais qui veut aller loin, ménage sa monture. Allez-y par étape, sans vous brusquer. Une chose à la fois. Une chose après l’autre. Je pose un pied devant l’autre. Et encore. Et encore. Je pose des actions, comme je pose mes pas. L’un après l’autre. Sinon, on tourne en rond et c’est stérile. La roue du hamster.
Savoir s’arrêter quand c’est le moment, réfléchir à la suite. Et petit à petit construire Rome, avancer sur son édifice, le regarder se consolider dans le temps. Gagner son espace et le garder. Entretenir le plaisir de faire sans perdre de vue ce que l’on a en ligne de mire. Mais prendre plaisir à flâner sur le chemin. Glaner ce qu’il y a à glaner.
Parfois s’arrêter encore. Reculer de quelques pas. Prendre du recul. Regarder de loin. Voir où l’on en est. Y-a-t-il une touche à rajouter ? Manque-t-il quelque chose ? Est-ce que cela suffit comme ça ? Voir où l’on en est au fond de nous-mêmes. Est-ce assez ? Ai-je envie d’aller plus loin ? Savoir s’arrêter quand c’est le moment. Le bon moment. Ça aussi cela s’acquiert petit à petit. Savoir trouver le bon moment pour s’arrêter.
Par Cloé Przyluski