La poésie ce n’est pas ce truc abstrait, lointain du quotidien, uniquement fait pour les rêveurs. Le mec, la tête dans les nuages, tout sauf les pieds sur terre, qui plane à 3000 mille et sur qui la réalité n’a aucune prise.
Au contraire, être poète, c’est être bien ancré dans la réalité, dans le présent. Faire de la poésie, c’est voir les détails de son existence, déceler les émotions, savoir être à l’écoute de soi et de ce qui nous entoure.
Etre poète ce n’est pas pompeux, réservé à l’élite, aux intellectuels. N’importe qui peut être poète à ses heures. Ce n’est pas en faire des montagnes et des caisses avec tout un tas de mots compliqués. Faire la rime, on s’en fout. Respecter des formes poétiques pas forcément.
Faire de la poésie c’est poser un regard sur le monde qui nous entoure. Un regard unique, le sien. Et mettre en mots ce que l’on voit, ce que l’on ressent. Chacun a une vision du monde différente, une lecture différente. On ne verra pas la même scène dans la rue, elle n’aura pas le même écho en nous, elle ne nous parlera pas de la même façon. Et on ne la décrira pas de la même façon.
Mettre de la poésie dans sa vie, c’est faire en sorte de voir notre quotidien différemment. C’est lui rendre ses lettres de noblesse. C’est savoir l’apprécier dans ce qu’il a de plus simple. C’est arriver à voir ce qu’il y a de beau dans sa vie. Même le plus petit détail a son importance et il convient de lui prêter attention, même de le chérir. Surtout le plus petit détail. En général, c’est là que se niche la richesse de notre vie.
Comme dit Henri David Thoreau dans la conclusion de son Walden ou la vie dans les bois : « Si humble que soit votre vie, faites-y honneur, vivez-la ; ne l’esquivez pas ni n’en dites de mal. Elle n’est pas aussi mauvaise que vous. »
Mettre de la poésie dans sa vie l’embellit tout simplement. En lire, en écrire, en faire une anthologie personnelle, c’est à dire un recueil de tous les poèmes ou formes poétiques que l’on apprécie, tout est possible et bon à prendre.
Mettre de la poésie dans sa vie, c’est regarder ce qu’il y a à côté de nous, redécouvrir la rue, le patrimoine, la nature, savoir l’apprécier à sa juste valeur.
Parce qu’en poésie, le temps n’a plus cours. La course au temps s’échappe, le temps d’un instant, on est juste au présent. Et uniquement au présent. On oublie le temps.
Parce qu’en poésie, on ne peut pas se tromper puisque c’est l’élan du cœur.
Parce qu’en poésie, on est libre.
Parce qu’en poésie, on se sent vivant.
Comment mettre de la poésie dans sa vie ? La faire entrer relève parfois du défi. La garder et en faire une habitude de vie, c’est encore autre chose. Le jeu en vaut pourtant la chandelle. Pour nous-même et notre entourage qui se mettra lui aussi à ouvrir plus grands ses yeux, ses oreilles, son cœur pour peu que vous le guidiez.
Pour autant, elle est déjà dans notre vie cette poésie. Elle se cache partout. Dans le rayon de soleil qui tombe sur votre lit le matin, dans les yeux de votre amoureux(se), dans les petits biscuits préparés avec amour, dans les nuages, dans le bus, sur les murs dans la rue, dans les journaux. Une petite scène du quotidien à laquelle on assiste en spectateur, un détail infime qui retient notre attention. Une phrase prise dans un film. Les titres des journaux aussi.
La plupart du temps pour peu que l’on soit attentif, à l’écoute, elle vous tombe dessus. Sans crier gare. Tiens c’est drôle ce mot, et puis celui-là mis juste à côté. Et celui-là.
Quand cela arrive, on se sent unique. On se sent en phase avec la vie, avec ce qu’elle a à nous offrir. On s’étonne même de ne pas y avoir fait plus attention avant. Un sourire peut se dessiner sur votre visage. Ou un éclair de nostalgie. En tous cas, l’émotion est palpable.
A ce moment-là, on attrape un papier et un crayon ou son téléphone, ou ce que l’on a sous la main pour prendre des notes, immortaliser le moment et on note comme ça nous vient, spontanément, sans penser au style, au choix des mots. Juste décrire le truc à sa façon sans réfléchir.
Pas nécessaire non plus d’écrire cette poésie, on peut juste la vivre et la ressentir au plus profond de soi. Pourtant, écrire permet de garder une trace de cet instant. De se le remémorer plus facilement et de ressentir l’émotion ressentie alors. C’est comme la madeleine de Proust. Tout vous reviendra, y compris l’émotion ressentie. Et cette émotion vous appartient, elle est très personnelle.
La poésie enrichit considérablement la vie car elle la fait vibrer, elle lui donne tout son cachet, tout son sens, elle la rend brillante, plus éclatante. Faites-en l’expérience, dès maintenant.
Posez un regard bienveillant sur ce qui vous entoure. Regardez de nouveau la pièce dans laquelle vous vous trouvez ou l’espace dans lequel vous êtes. Regardez encore. Plus fort. Dans les moindres détails.
Même l’endroit le plus moche, le plus impersonnel recèle des trésors cachés. Le détail qui tue est là. Celui qui va vous faire réagir. Tiens, c’est drôle cette tâche au plafond, elle dessine un oiseau, je ne l’avais pas vu. Ou encore, tiens, la femme à la fenêtre en face a changé de coupe de cheveux. Bingo, la poésie est là, vous avez été surpris, vous avez ressenti une émotion même brève face à un truc insignifiant. Si insignifiant que vous ne l’aviez pas vu jusqu’alors, mais que vous ne manquerez plus. Ou même, le truc le plus immonde peut vous faire exprimer de la poésie. On est dans la caricature, mais oui, la poésie se cache dans le banal, dans les petites choses du quotidien.
Tout est dans l’attention au détail.
Par Cloé Przyluski