Un après-midi d’été comme les autres. Le temps suspend son cours. Pas un souffle d’air. Une seule chose à faire : la sieste. Ce moment sans façon est une parenthèse bienvenue dans la journée qui s’étire. La sieste remet les pendules à l’heure. Elle envoie valser les convenances. Elle défie les priorités. Une saine habitude que celle d’écouter son corps.
Elle se pose là sans qu’on l’ait vraiment ni prévue, ni attendue. Elle s’invite. On a atteint le point de non-retour, on ne peut plus reculer, la sieste est là. Elle nous prend. On se laisse gagner par la douce torpeur d’après-repas. Le soleil est au plus haut, la chaleur trouble l’air, le moindre mouvement est de trop, quoi de mieux à faire que de s’étendre et de se laisser aller.
On peut plonger bien vite dans le sommeil. Ou regarder autour de soi, respirer tranquillement dans la pénombre et laisser divaguer ses pensées. On finira quand même par s’endormir.
La sieste, c’est un moment à soi. Où l’on s’isole chacun dans son coin pour s’abandonner au repos ou pour bouquiner. Chacun fait sa sieste à sa guise. A l’intérieur au frais ou à l’ombre d’un arbre. A chacun son temps calme.
Il y aura toujours le trouble-fête qui veut papoter. La sieste c’est sacré, on ne discute pas. Ce temps suspendu se savoure de préférence en solitaire. Parfois la sieste crapuleuse nous appelle, on ne va quand même pas bouder notre plaisir. Mais, la sieste se passe de mots.
L’intervalle de temps qui se passe est indéfini. On verra bien. On ne se soucie plus de rien. Le monde attendra.
En sortant de la sieste, on se sent tout détreubé, mot du patois morvandiau pour dire notre état transitoire, un peu perdu, un peu troublé, on ne sait plus où l’on est et qui l’on est. L’instant est précieux, on se réveille doucement. On n’ouvre pas tout de suite les yeux. On prolonge la tranquillité, personne n’ose venir encore nous déranger. On écoute les bruits, encore dans notre bulle. On se retourne, on s’étire. On cherche le courage de se lever. On refait encore un petit peu le monde avant d’aller l’affronter. C’est l’heure du goûter, nul besoin d’en faire trop tout de suite, prenons encore le temps.
On se dit toujours qu’on a trop dormi. Quelqu’un aurait dû nous réveiller. Il aurait fallu mettre notre réveil. Mais, c’est toujours après avoir succombé au délice de se sentir mollement partir dans le sommeil. Point de calcul, c’est toujours comme ça que ça se passe et c’est toujours ce qu’il y a de meilleur dans la sieste : ce prélude langoureux et son temps indéterminé.
Bien vite la sensation de temps perdu peut nous rattraper, on aurait pu faire autre chose. Mais quoi ? Quoi de meilleur que cette détente absolue ?
Cloé Przyluski