Hier aussi. Et demain, peut-être qu’à la même heure je ferais pareil qui sait.
J’ai mangé une jolie pomme, choisie avec soin. Une de ces pommes qui n’a pas eu besoin de pesticides et autres réjouissances pour avoir fière allure. La pomme moche, ça marche aussi, même si elle attire moins.
Oui, bon j’ai mangé une pomme. Quoi d’extraordinaire à cela ?
C’était une pomme. Ça aurait aussi bien pu être une banane ou une clémentine. Pourquoi pas une poire ?
La différence avec les autres jours, c’est que j’ai pris le temps de la savourer cette pomme. Quartier par quartier. Bouchée par bouchée. Elle fondait dans la bouche avec ce petit goût acidulé inimitable. Je sais pourquoi j’ai choisi cette variété de pommes dont je ne sais plus le nom.
La pomme sait se faire désirer. Au premier regard, elle brille. On tend la main pour la toucher, ce fruit défendu nous fait de l’œil. Rouge, jaune, verte, elle sait se montrer. On la prend dans la main, on la soupèse, on la retourne, on l’étudie avec soin. Lisse, douce, elle multiplie les atouts. On peut la sentir pour être sûr d’avoir fait le bon choix. Parfois, une petite odeur de renfermé pique le nez, voyons celle d’à côté ! Le moment fatidique approche, enfin, on va la croquer pour voir tout ce qu’elle a dans le ventre. Le craquement qui se fait entendre est aussi puissant que la pomme est fraîche. Sinon, elle est farineuse et alors quelle déception. Question goût, pour le coup c’est une histoire de préférence personnelle. Douce, juteuse, acidulée, il y en a pour tous les goûts.
Certains s’amusent à faire une épluchure en un seul morceau en tournant autour avec le couteau sans jamais s’arrêter avant la fin. D’autres vont essayer de faire les épluchures les plus fines possibles. Ou encore croquer dedans à pleines dents, goulûment. Et croquer, croquer jusqu’à rendre le trognon le plus petit possible. Et parfois, mauvaise surprise, arrivé au bout, on croque malencontreusement un pépin ou un morceau pourri qui gâche l’ultime bouchée. A chacun son truc.
De toutes façons, lorsqu’elle est entamée mieux vaut la finir. Sinon, elle brunit à la vitesse de l’éclair et elle se dessèche, nettement moins alléchant.
Le premier croc est le meilleur. Si l’on a soif, elle est étanchée. Si l’on a faim, elle est comblée. Si l’on est gourmand, on en redemande.
Pendant que l’on déguste notre pomme, on déguste notre pomme. Rien d’autre. La manger vite fait à la sauvette, franchement quel intérêt ?
Le décor a aussi son importance. Avalée sur un coin de bureau entre deux mails, le moment perd nettement de son charme. Par contre, dehors sur un banc aux premiers soleils, on valide. On se dégourdit les jambes et on s’aère l’esprit en même temps que l’on se rassasie.
Peu importe, l’heure ou l’endroit, le tout est de savourer son plaisir.
Une pomme reste une pomme mais rien ne nous empêche de lui accorder toute sa valeur et de faire de ce petit moment de rien, un grand moment du jour.
Cloé Przyluski