Venue de nulle part, une douce mélodie s’élève, la voix de Louis Armstrong, envoûtante, arrête la vie sur le champ. Elle me dit des mots d’amour, des mots de tous les jours…, la vie en rose s’échappe de la fenêtre ouverte. Faire un pas de plus relève du sacrifice. Continuer son chemin sans se retourner, impossible. On ne peut pas se priver de ses moments de pur délice.
Quelque chose se passe en nous. D’un seul coup, d’un seul, notre sang se fige de bonheur. On reconnaît ce mouvement de douceur, cette chaleur qui nous ramène instantanément à la maison. Cette sensation d’être enfin arrivé chez soi. A l’endroit où l’on dépose les armes et où l’on s’abandonne complètement à ce qui est, indifférent à tout ce qui se passe autour. La détente nous gagne. La sérénité s’installe. On ressent toute la plénitude du moment. Cela se joue en une fraction de seconde. On comprend ce qui se joue sans vraiment le comprendre. Ce sentiment d’être exactement là où l’on doit être. L’instant s’imprime dans notre mémoire de manière indélébile. Il restera associé à cette mélodie pendant encore longtemps.
Je sais que l’on peut passer des jours sans vivre ça, je sais qu’un tel moment peut nous échapper à tout instant et je sais qu’il peut ne se présenter qu’une fois dans une journée et c’est pile à ce moment-là qu’il faut être capable de le saisir. Alors j’inspire, j’expire, je savoure et je laisse le mouvement mélodique planer encore quelque temps dans l’air après que la dernière note ait retenti.
Cloé Przyluski