S’installer quelque part dehors, immobile, pour profiter de ces rares rayons de soleil qui veulent bien se montrer. Lorsqu’ils daignent enfin briller, faisons-leur l’honneur de les savourer. Il suffit de savoir s’arrêter un moment quelque part où l’on a envie de rester quelque temps, tranquillement, sans se presser. A l’abri du vent, éloigné du bruit et au soleil.
La place au soleil vaut cher. Il suffit qu’on la cherche pour ne pas le trouver. Comme les distributeurs de billets dans les villes que l’on ne connaît pas.
Une fois que l’on a trouvé la place idéale, nous ne sommes pas encore tout à fait au bout de nos peines. Le rayon de soleil peut s’être caché entre temps. Ou même s’il est bien là quand on s’installe, les nuages s’en mêlent rapidement, sans crier gare.
Là on remarque enfin ce qui glissait sur nous avant, sans que l’on s’en rende compte: cette chaleur réconfortante qui vient éclairer notre visage et qui réchauffe vraiment quand le soleil brille nous manque d’un seul coup terriblement dès qu’un minuscule nuage lui vole la vedette. On sent vraiment la différence, on la vit entièrement. Il ne nous serait pas venu à l’idée de gémir car le soleil se cache quelques instants si l’on n’avait pas fait tout ce ballet préalable à notre installation.
Toute concentrée là-dessus, notre attention est vive et nous captons avec aisance la nuance. Même pas besoin de faire l’effort, notre corps nous dit « sens-tu ce petit vent frisquet ? » ou « tu crois que tes lunettes de soleil sont encore utiles là ? ». Tout se fait naturellement. Les pensées de ce style s’enchaînent au rythme des va-et-vient des nuages et de ce jeu de cache-cache incessant. Cela peut durer aussi longtemps que l’on s’accorde la pause, jusqu’à ce que l’on décide que nous avons eu notre dose.
Et ça, si on ne prend pas le temps de le vivre pleinement, on ne s’en rend même pas compte. Aussi précieux soit ce moment, dans notre mémoire les jours de pluie, on ne s’accorde que trop rarement ce luxe au quotidien, cette part de vacances au soleil qui n’est réservé qu’à quelques semaines par an. Alors qu’elle est sous nos yeux.
Toute l’importance du moment est dans l’éphémère. Dans notre capacité à capter ces instants de vie anodins. A les vivre intensément. Avec délice, dans leur perfection. N’importe quand.
Cloé Przyluski