Ouvrez les potentialités de l’écriture avec OULIPO

Arte a diffusé dimanche 7 juillet, OULIPO, mode d’emploi,  un documentaire étonnant et très vivifiant pour ceux qui ne connaissent pas le mouvement littéraire exploratoire, OULIPO. Une approche totalement créative de l’écriture qui décroche du réel et retourne votre esprit. (la vidéo n’est malheureusement plus disponible)

OULIPO, pour OUvroir de LIttérature Potentielle

OULIPO, pourquoi faire ? Explorer les potentialités. Pas de potentiel sans le réel. Créer du virtuel à partir du réel. L’idée maîtresse est de créer un texte littéraire sous la contrainte pour justement libérer la création et sortir du champ. Ouvrir tous les possibles, ne rien s’interdire, mais s’imposer une contrainte afin de produire des choses  que l’on n’aurait pas pu produire autrement que par ce processus. Aller chercher au fond de soi des ressources insoupçonnées.

Cent mille milliards de poèmes de Raymond Queneau est un livre animé de poésie combinatoire. Ce sont dix sonnets de quatorze vers, superposés les uns sur les autres, regroupés dans un ouvrage étonnant qui laisse la porte ouverte à une multitude de créations. Présentés sous forme de bandes de papier amovibles, les quatorze vers des dix sonnets peuvent être inter-changés pour former de nouveaux sonnets. Les possibilités de création sont de cent mille milliards. Jubilatoire. Cet ouvrage résume bien la philosophie de l’OULIPO.

[Compose ton poème oulipien ici : http://membres.multimania.fr/mjannot/froggy/1000j.htm]

A l’origine

Raymond Queneau, écrivain et poète et François Le Lionnais, mathématicien, sont les fondateurs du mouvement OULIPO. Groupement international de littéraires et de mathématiciens qui a fêté ses cinquante ans d’existence en 2010.

La disparition, roman de George Pérec écrit entièrement sans la lettre « e » est une œuvre magistrale particulièrement représentative de l’OULIPO. Acte héroïque s’il en est un. Certains diraient même contre nature. Il reste que George Pérec fut l’un des membres les plus connus et charismatiques de l’OULIPO. Extraits de La Disparition

On ne postule pas pour entrer à OULIPO. On est choisi. Postuler est le meilleur moyen de ne jamais en faire partie. On ne peut manquer une réunion de l’OULIPO à moins d’être mort ou de s’être fait excuser pour des raisons reconnues valables par tous !

Des techniques déroutantes

Un des membres, Jacques Jouet,  pratique l’écriture de poèmes dans le métro. Il monte à une station. Deux stations plus loin, il écrit son premier vers. Pendant le mouvement du métro, il réfléchit au vers suivant et il n’écrit que lorsque le métro est à l’arrêt à la station suivante. Lorsque le train roule, c’est la tête qui se met en mouvement. A l’arrêt, c’est la retranscription sur le papier uniquement. L’écriture s’achève au terminus. Le dernier vers est écrit sur le quai de cette dernière station.

De son côté, Hervé Le Tellier a par exemple récolté des objets du quotidien, jetés par d’autres : bouteille plastique, tickets de métro, etc. et a réfléchi à leur potentiel poétique et leur cohérence dans la ville. A partir de chaque objet mis au rebus, il a écrit une notice savante comme dans les herbiers, avec des noms latins qu’il a souvent dû inventer, et un haïku, poème court japonais, évoquant l’objet et son environnement. Ce qui a donné un ouvrage et une exposition surprenante.

Un autre, Jacques Roubaud, se donne un trajet, défini au préalable, dans les rues de Paris. Par exemple, suivre les rues d’écrivains célèbres en les prenant par ordre alphabétique. Ce qui le pousse à prendre des rues qu’il n’aurait jamais parcouru autrement mais qui prolonge parfois considérablement le temps de ses déambulations. Du 16ème arrondissement, il peut devoir se rendre dans le 10ème  puis refaire le chemin en sens inverse afin de suivre scrupuleusement l’ordre alphabétique. Parfois, les rues, les gens, ce qu’il voit, se prêtent  à l’écriture, parfois non. Mais, c’est ainsi qu’il s’ouvre le champ des possibilités de l’écriture.

[Ecouter l’enregistrement de Jacques Roubaud, du 5 décembre 2012, le jour de ses quatre-vingts ans, à Radio  France pour « Ode à la ligne 29 des autobus parisiens » éd. Attila]

Rencontres avec le public

OULIPO a trouvé un public et propose des lectures publiques des créations imaginées par les membres du mouvement. OULIPO anime également des ateliers d’écriture, des sessions d’initiation à ses techniques de création : les Récréations. Des semaines de travail particulièrement denses où chaque participant exprime des talents qu’il n’avait pas forcément imaginé avoir.

Pari un peu fou, OULIPO dure pourtant depuis cinquante ans et semble vouloir continuer à vivre et nous étonner. Longue vie à OULIPO.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *